Votre texte sur M.O. Soumettez une idée ou texte original sans faire un sou. Plus.

Le défi

Marianne est officiellement revenue à la maison dimanche après-midi. Par contre elle a laissé Amélie chez ses parents le temps qu’on discute un peu. J’suis ben d’accord avec ça moi la discussion. On est quand même des adultes responsables.

Quand elle est arrivée, j’avais toujours quelques barres de crayon feutre dans face. J’en ai encore aujourd’hui d’ailleurs. C’était pas une bonne idée d’utiliser un feutre permanent. J’pense pas pouvoir me trouver une job tout suite arrangé d’même. Je vois pas comment je pourrais justifier ça.

J’ai offert un verre de vin à Marianne dès son arrivée. Elle a immédiatement accepté. Ça m’a un peu surpris parce qu’elle a pas l’habitude de boire du vin en après-midi, mais en même temps j’étais content de voir qu’elle avait une attitude positive face à nos retrouvailles.

J’avais peur d’avoir à argumenter, encore une fois, sur mes choix de vie. Mais non. Marianne voulait juste qu’on parle de tout et de rien. Alors on s’est assis à la table de la cuisine et je l’ai laissée parler de tout pis j’me suis occupé de parler de rien. Au début notre discussion était pas très animée.

Elle avait quelque chose de changé. Mais pas physiquement. Plutôt dans sa façon de se verser du vin rouge je dirais. Normalement elle aurait commencé par m’en offrir et aurait délicatement pris la bouteille par le bas pour en verser une petite quantité dans une coupe. Mais au lieu de ça, elle prenait la bouteille par le haut et versait rapidement jusqu’à ce que le verre soit pratiquement plein. Ensuite elle déposait la bouteille sur la table sans même me demander si j’en voulais encore.

Ça avait tendance à me déconcentrer. Je la regardais pas mal plus boire que je l’écoutais parler. Ça a même rapidement commencé à me choquer. On aurait dit qu’elle avait pas de manières. Elle buvait comme si c’était une course entre nous.

J’ai pas un tempérament très compétitif. Mais Marianne voulait définitivement me mettre au défi. Elle a jamais dit ça clairement mais elle voulait certainement m’endormir avec ses histoires. Elle me parlait de son oncle pis de quelque chose à propos d’inceste ou peut-être d’insectes je sais plus. Maintenant que j’y pense: il a un élevage d’abeilles et il fait son propre miel depuis au moins 30 ans. Ah ben c’est ça! Elle me parlait probablement des insectes de son oncle!

Mais bon. Tout ça n’était que diversion. Pure stratégie! Elle voulait surtout boire tout mon vin rouge avant que je sois vraiment chaud. Tout ça pour me faire comprendre que…en fait je sais pas quoi mais peu importe! C’est probablement quelque chose qu’elle avait lu dans un de ses livres de psychologie…

J’me suis donc fermé à ses paroles pour pas perdre mon beat et j’me suis mis à boire plus rapidement avec adresse et dextérité. Elle prenait une gorgée de vin rouge et j’en buvais un grand verre; elle levait un peu le bras et je levais le coude jusqu’au plafond! Mes gestes étaient harmonieux et assurés. Comme Luke Skywalker avec son sabre fluo devant un Stormtrooper anonyme! Sauf que mon sabre à moi c’était un Fuzion 2008 à 8 piasses et 50. Je devais être ben beau à voir aller! Je faisais des « hum hum » en même temps que je hochais la tête pour lui laisser croire que sa stratégie fonctionnait. Je cachais mon jeu comme un vrai joueur de poker!

Au bout de 45 minutes, j’ai dépassé sa consommation d’au moins 10-12 verres. Plus le temps passait et moins elle buvait rapidement. Plus son corps était penché vers l’avant et moins ses phrases étaient compréhensibles.

Puis les événements se sont bousculés. Son visage s’est transformé en quelques secondes: son teint est devenu pâle et tirait légèrement sur le vert. Je sentais que sa fin et ma victoire approchaient. J’étais pas mal chaud mais même dans mon état, je pouvais voir qu’elle l’était beaucoup plus que moi. C’est un bon indice ça je trouve. Pourtant on avait pas bu plus que 3 ou 4 bouteilles à deux. Probablement une pour elle et deux ou trois pour moi.

Ma victoire est arrivée très subitement. Elle essayait depuis quelques secondes de terminer une phrase incompréhensible à propos d’une enfance malheureuse et de sa chambre rose au deuxième chez ses parents. C’était pas très cohérent son affaire. Mais à ce moment là je l’écoutais quand même attentivement parce que je savais bien qu’elle en avait plus pour très longtemps. J’avais déposé mon sabre fluo et je regardais mon ennemi agoniser. Elle accrochait beaucoup sur le mot « malheureuse »; elle le répétait continuellement comme si j’avais jamais entendu ça de ma vie et qu’elle voulait être ben certaine que j’allais prendre le dictionnaire pour vérifier la définition. J’étais sur le point de lui dire que ça serait temps qu’elle fasse avancer son récit quand elle s’est arrêtée net de parler; sa gorge faisait un drôle de bruit. Elle s’est ensuite légèrement avancée au-dessus de la table, m’a regardé quelques secondes avec ses yeux vitreux et m’a renvoyé un jet de vomi dans le visage en poussant un immense gémissement.

J’me suis levé d’un bond, tout dégoulinant, et j’ai crié un YES! victorieux les bras en l’air. Elle s’est immédiatement mise à pleurer comme un bébé. On peut pas dire qu’elle est super bonne perdante ma Marianne.

On s’est couché de très bonne heure sur le plancher de la cuisine. Marianne voulait pas trop bouger pour pas être malade une 2e fois. J’étais allongé à côté d’elle et je jouais dans ses cheveux collés par le vomi. J’avais vraiment envie de la regarder dormir. Elle était sur le dos, les bras en croix. Sa bouche grande ouverte produisait un petit ronflement. Un mince filet de bave coulait le long de sa joue comme une petite source de début de printemps. Elle était vraiment jolie…

On s’est levé vers 7h00 hier matin. Marianne avait mal partout. Elle a pas l’habitude de coucher sur le plancher la pauvre petite. Elle m’a fait promettre de parler de ça à personne. Je savais pas exactement de quoi elle voulait parler mais j’ai promis que je dirais pas un mot même si on me mettait un fusil dans l’front pis de la dynamite dans l’cul…

Commentaires

commentaire(s)

9 commentaires

Ajouter un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *