Les vidanges de la voisine
|J’suis allé chez notre voisine hier après-midi. Je voulais lui demander pourquoi ses vidanges avaient toujours l’air un peu de notre côté le mercredi matin. C’est pas que j’aime ça me plaindre mais depuis que son mari est mort dans un drôle d’accident de travail, elle a tendance à faire les choses tout croche.
Je sais pas si j’ai besoin de dire que j’étais un peu chaud quand j’suis arrivé à sa porte. J’ai eu ben de la misère à trouver sa christie d’sonnette. En fait je l’ai jamais trouvée, c’est elle qui a ouvert sa porte pendant que je cherchais: « Vous faites beaucoup de bruit monsieur Michaud. Est-ce que je peux vous aider avec quelque chose? »
Elle m’a invité à entrer. J’étais pas là pour longtemps mais j’ai quand même accepté. Surtout qu’à ce moment là j’avais un peu oublié pourquoi je venais la voir. Ça m’arrive ça des fois. J’ai quelque chose de ben précis dans tête et puis « pouf » j’oublie complètement. Heureusement ça me revient toujours; des fois quelques heures plus tard ou même le lendemain mais le plus souvent quand j’arrête d’y penser.
Elle a refermé la porte et m’a regardé en attendant que je parle. Je la regardais aussi mais sans vraiment la voir. Un peu comme si j’étais dans la lune. Je me concentrais très fort pour retrouver mon idée. Mais ça me revenait pas du tout, c’était le noir total. Donc, au bout de quelques secondes, j’ai décidé d’improviser:
-Je…j’ai trouvé des photos de votre mari dans neige près de chez nous.
-Des…photos? Dans la neige? vous êtes certain?
-euh…oui pas mal certain! Des photos en couleur avec le contour blanc.
-C’est…étrange. Elles étaient où exactement? Je peux les voir?
-Ah? euh…ah ben non…j’ai pas pensé que vous voudriez voir ça et j’ai mis ça au recyclage!
-Au recyclage? Mais pourquoi? C’est ben certain que je voulais les voir!
À ce moment là elle commençait à m’énerver un peu. Je savais pas pourquoi je venais la voir mais c’était certainement pas pour répondre à ses questions niaiseuses à propos de photos qui existent même pas. Surtout que je savais pas du tout où ça s’en allait mon affaire:
-Ben écoutez, je voulais pas que vous soyez triste moi. J’ai pensé que ça serait bien si je vous évitais de voir ça madame. Vous savez avec votre mari qui est mort écrasé par cette grosse…cette…comment on dit ça donc?
-Je…j’arrive pas à le croire. Vous avez mis des photos de mon mari aux vidanges!
-Ah pas aux vidanges madame. Au recyclage!
Ça a fait comme un « déclic » dans ma tête er j’me suis tout de suite rappelé pourquoi j’étais venu! Un peu comme les flashbacks qu’on voit au cinéma avec les scènes qui défilent à l’envers et tout. J’ai fait un grand sourire à ma voisine et j’ai dit:
-En fait maintenant que j’y pense, je venais surtout pour vos vidanges à vous justement!
-Pardon?
-Vos vidanges! Elles sont trop de notre côté. Faudrait faire atention à ça.
-Vous…je comprends pas là.
-Ben là! C’est simple, je vous dis de faire attention à vos vidanges! J’ai toujours peur de reculer dedans avec mon char le mercredi matin.
-Et…les photos de mon mari?
-Quoi les photos de votre mari?
-Elles sont aux vidanges ou non?
-Au recyclage madame! Elles sont au recyclage. Bon je dois y aller, j’ai des nouilles sur le rond là.
-Mais…
-Ok bonne journée là!
J’suis sorti pas mal libéré de la maison. Ça faisait déjà un bon moment que j’en avais contre ses vidanges. Faut pas laisser des petits irritants comme ça nous contaminer la vie…
Mouin… t’as vu le temps que ça prend pour avoir des commentaires? Les vidanges de ta voisine, à moins que t’aies vomi dedans, couché dessus ou encore caché to restant de 40 onces de Southern Comfort dedans pis que le truck de vidanges est parti avec, on s’en câlisse.
allo
C’eut été plaisant que tu la rosses, ta voisine, mais bon…
Lance
à Jean Louis Beaunavet
Moi, au contraire, j’ai beaucoup aimé le style littéraire de ce texte. Le dialogue entre les deux personnages, c’était vraiment efficace. Un jour, il faudra regrouper tous ces textes et en faire un livre.
-Ah pas aux vidanges madame. Au recyclage!
Charmant.
Bravo Michaud!
beaucoup de talent mec lâche pas
@ Québec bourse: Ne me mets pas de mots dans la bouche, ou plutôt au bout des doigts sur le clavier. C’est pas le style qui m’a laissé indifférent, c’est la mise en situation. Rien à dire sur la plume, pas plus que sur l’échange avec la voisine!
A moins que ça ne s’inscrive dans une nouvelle suite logique d’événements, cette intervention m’a laissé plus froid que les autres en général, c’est tout.
@Québec-Bourse : je ne suis pas dans le secret des dieux (aucune idée qui est le type qui écrit tous ces bijoux), mais d’après moi c’est clair qu’il y aura un livre ou quelque chose. Ces textes sont écrits à l’avance. Remarque l’heure à laquelle Michaud met ses posts. Régulier comme un métronome, à la minute près, peu importe la longueur du texte.
1) Une fonction de Blogger permet de préprogrammer l’heure précise à laquelle ton texte est publié.
2) À 7hAM, yé pas supposé être couché dans son vomi sur le plancher de la cuisine? Ah ben c’est peut-être pour ça qu’il pré-programme l’envoi de ses textes. Ce n’est peut-être pas de la fiction, finalement.
Sinon, faudra ben que Michaud nous raconte le drôle d’accident de travail du mari de sa voisine un jour. Comme l’impression qu’il a quelque chose à voir là-dedans …
@ Nadia,
C’est aussi mon point de vue. En fait, j’ai l’impression de participer à un gros »focus group » à saveur techno. Une série télé?, un film?, un livre? Bah, pourquoi pas.
Après »Les Bougons », voici »Les Soûlons ».